Monday, March 20, 2006

Chirurgie dé-constructive de beauté.

Alors que la communauté internationale condamne la pratique de mutilations génitales imposées aux femmes dans de nombreux pays du continent africain, personne ne semble s’intéresser aux mutilations ‘volontaires’ que des femmes du monde occidental infligent à leurs propres corps au nom d’un idéal de beauté qui ne devrait pas exister. Les nouvelles technologies de microchirurgie (MedTech) en profitent pour accumuler des profits considérables, tout en instaurant une nouvelle notion de ‘normalité’ : les lèvres de notre appareil génital devraient être ainsi réduites au maximum pour des raisons ‘esthétiques’. - Par Jessica Reed

« Qu’est ce que veulent les femmes? » demandait Freud. De nos jours, de plus en plus d’entre elles se rendent chez leur chirurgien plastique pour demander des procédures à la fois hasardeuses et coûteuses, telles que le ‘rajeunissement vaginal au laser’, l’hymenoplastie (reconstitution de l'hymen) ou la labiaplastie. Cette dernière permet par exemple de sculpter les labia minora (petites lèvres de la vulve) qui seraient trop longues (sic) ou inégales, selon le désir de la femme. Si de telles opérations étaient autrefois parfois effectuées pour des raisons strictement médicales, souvent pour subvenir à des cas d’incontinence, la tendance a changé.
La fin des années 90 a vu aux États-unis une demande croissante d’opérations de ce genre de la part de femme cherchant une solution à des problèmes sexuels et/ou émotionnels, pensant que de telles procédures vont leur permettre de regagner une confiance en soi perdue. Les chirurgiens –et même certains gynécologues pratiquant ces altérations génitales- certifient que les labiaplasties peuvent en effet contribuer à une augmentation du plaisir sexuel, et utilisent un lexique quasi-féministe pour vendre leur savoir faire. Il serait ainsi question de ‘contrôle’, de ‘bien être’, et d’acceptation de soi…

Le phénomène Play Boy

Les différents sites Internet proposant de la documentation sur ces opérations insistent sur le fait que certaines femmes sont de plus en plus gênées par l’apparence de leur appareil génital, qui ne correspond pas à l’image véhiculée par les films ou magazines pornographiques. Ainsi s’est dessiné au fil des années une image définissant ce à quoi ‘devrait’ ressembler notre vulve : petite, serrée, rebondie, rosée, sans surplus de chair aucun, avec des labia minora ne devant pas être plus importantes que les lèvres du vagin. La vulve devient ainsi rien de plus qu’un trou mis à nu, découvert et s’offrant entièrement à la pénétration masculine.
Une rapide visite sur des forums portant sur le sujet permet de lire le témoignage de femmes voulant à tout prix se conformer à l’image de modèles posant pour des magazines tels que Hustler or Playboy, se lamentant de leur ‘différence’ physiologique ne correspondant pas à ce qui est couramment dépeint comme un idéal de beauté et de jeunesse à atteindre à tout prix. De nombreuses féministes et activistes responsables de forums online destinées aux adolescentes américaines s’alarment du nombre de questions portant sur la ‘normalité’ de leur vulve et voulant plus d’informations sur les procédures à leur portée.

Mon corps, son choix?

Dans une interview accordée au site womennews.org, le Docteur Young, spécialiste en labiaplasties remarque que la principale motivation des femmes se rendant à son cabinet né d’un commentaire souvent négatif de leur partenaire à l’encontre de l’apparence : ‘Elles ne se sentent pas parfaites, et veulent y remédier’. L’inquiétude liée au plaisir de plaire à tout prix s’immisce donc au plus profond de l’intimité. Nous sommes loin de la révolution Botox et des seins siliconés, mais au cœur d’un problème plus important : les femmes se persuadent qu’elles doivent enlever, sculpter et modifier ce qui est leur dans l’espoir de raviver des désirs déchus. Elles se persuadent également que leur incapacité à atteindre l’orgasme est entièrement de leur faute, un ‘défaut’ strictement physiologique que la chirurgie peut corriger. Ainsi la science crée de nouveaux idéaux, facilement accessibles si l’on peut se permettre de payer les quelques milliers de dollars demandés par les chirurgiens plastiques. L’appréciation des différences de taille, poids et couleurs est oubliée. Ce qui fait nos corps uniques, nos courbes et nos cicatrices, nos marques et nos rides – tout ce qui est digne d’être célébrés et d’être explorés avec patience et attention- est relégué à une chasse du ‘toujours plus, toujours mieux’.
Mais plus que tout, en appuyant et médiatisant ce genre d’opérations, ce nouveau courant de ‘perfectionnement’ physique empêche les femmes de se libérer de poids que représente l’attente de plus en plus féroce de la société face à des standards de beauté proprement inatteignables et de plus en plus ridicules, souvent dictés par des industries patriarcales, des usines à fantasmes répondant à des attentes purement marketing établies par des hommes. Peut être est-il temps d’apprendre à accepter la marque du temps sur nos corps, la diversité de nos formes, et la beauté qui se trouve dans une notion trop souvent désertée : l’amour propre, brut et inchangé.

0 Comments:

Post a Comment

<< Home