Monday, March 20, 2006

Show, résistances et clichés

Quels artistes peuvent sembler plus éloignés l’un de l’autre que la Drag Queen et le Rappeur ? Le dernier semble être l’incarnation clichée(là, pas d’accord, je ne suis pas sûr que ça s’accorde, on pourrait mettre : « le cliché de l’incarnation, up to youc pas l’incarnation qui est clichée ? de la masculinité prise soi-disant virile alors que le premier joue des mêmes clichés pour les décrédibiliser et nous renvoyer nos propres stéréotypes de genre et de sexe. Et pourtant, à y regarder de plus près… - par B.V.

Le chercheur Touré, dans un article intitulé Hip Hop’s Closet: A Fanzine Article Touches a Nerve (2001) s’exerce à un périlleux exercice en osant la comparaison et le rapprochement entre Drag Queen et Rappeur comme figures artistiques. Il y présente une vision plus qu’originale.

Le jeu des stéréotypes

Le concept anglophone de Performance est au cœur de sa thèse. Il pourrait être traduit par « mise en scène, représentation et/ou performance ». Aussi bien le rappeur que la drag queen, en effet, jouent tous deux sur la stylisation du corps et les clichés de genre. Ils manipulent les attributs clichés associés à l’un ou l’autre sexe : qu’il s’agisse des vêtements ou des attitudes, les « marqueurs de genre » sont utilisés comme des éléments artistiques et socioculturels à part entière. De manières fort différentes toutefois : alors que les rappeurs renforcent ces clichés de genre en exhibant des éléments considérés socialement comme virils (muscles, armes, voitures, gestes plus ou moins violents, etc.), les drag queens décrédibilisent les stéréotypes de genre en faisant apparaître leur ridicule (maquillage excessif, vêtements provocants, talons démesurés, etc.).

Résistance à l’oppression

Un autre point commun se dégage alors : par leur performance, les deux types d’artistes luttent contre l’oppression sociétale qui les touche. Rappeurs et drag queens font partis de minorités. Et là aussi, si le principe reste le même, les modalités différent. Si les rappeurs cherchent (ou tout du moins, cherchaient initialement) à dénoncer et à lutter contre le racisme, les drag queens minent l’hétéronormativité ambiante, c’est-à-dire le fait de considérer l’hétérosexualité comme la sexualité « normale », avec tous les jugements de valeur que ce mot implique. Même si les deux discriminations évoquées n’ont pas les mêmes bases et les mêmes ressorts, leur violence symbolique ainsi que leur expression présentent de nombreuses similitudes, comme l’illustre le dessin ci-contre.

La résistance à travers la représentation artistique est ainsi au cœur même de la similitude troublante entre rappeurs et drag queens. Ces combats ont de plus la beauté de se dérouler, non pas dans l’arène politique mais sur une scène qui permet une plus grande visibilité et une plus grande marge de manœuvre : l’arène artistique.

Conflit et compatibilité

Le problème se pose alors de la compatibilité de ces combats. Dans leur lutte contre le racisme, les rappeurs utilisent tellement de clichés de la masculinité (associé à l’idée de guerre, de conflit notamment) qu’ils en arrivent souvent à tomber dans le piège facile de l’homophobie. En utilisant des propos homophobes, les rappeurs entend(ai)ent se construire en opposition à une catégorie pensée comme « féminine », blanche et appartenant aux classes supérieures. Tout ce qui est censé être incompatible avec le rap et le fait d’être noir plus généralement. C’est un glissement dangereux que les drag queens et les minorités sexuelles plus généralement parlant, n’évitent pas toujours non plus. Le racisme n’est pas absent des communautés LGBT [Lesbien, Gay, Bi & Trans], au même niveau que dans la société française. Toutefois, ces deux combats, à la fois contre l’hétéronormativité et le racisme, que drag queens et rappeurs représentent, sont loin d’être incompatibles comme le prouve le mouvement Gay Hip Hop(voir http://www.gayhiphop.com), un collectif de rappeurs gays ou bien encore le film Paris is burning (1990), dépeignant les compétitions de drag queens noires new-yorkaises. Un classique.

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