Wednesday, November 30, 2005

Dove, ou l’exploitation du ‘être-femme’

Dove a lancé l’année dernière une campagne de publicité mondiale visant à réconcilier les femmes avec leur image. Le marketing aurait-il enfin pris un visage humain, ou est-ce une autre stratégie de vente déguisée sous des attributs féministes ?
- par Jessica R.

La première fois que j’ai remarqué ces énormes panneaux publicitaires, je marchais pour rentrer chez moi et me suis arrêtée à un feu rouge. Un énorme poster de plusieurs mètres de long se dressait devant moi – sur un fond blanc, un immense visage de femme semblait me regarder droit dans les yeux. Ce visage féminin devait avoir plus de cinquante ans, et arborait des yeux fiers et brillants, une formidable masse de cheveux gris flottant autour de lui, un sourire moqueur et un nombre incalculable de rides. A sa droite, deux cases prêtes à être cochées offraient le choix au spectateur : ‘Ridée ?’, ‘Merveilleuse ?’. En bas à droite, on pouvait lire ces mots : ‘Dove – campagne pour la vraie beauté’.

Un discours libérateur ?

Ainsi se présentait la première phase de la campagne publicitaire dite ‘révolutionnaire’ de Dove- une des branches appartenant au géant multinational Unilever, et la première marque de savon et produits de beauté en Amérique de Nord. Au fil des semaines, des dizaines de panneaux ont fleuri au cœur de la ville : dans le bus, les magazines, le métro. Toutes ces publicités représentaient des femmes différant des stéréotypes de beauté couramment admis : cheveux gris, rondeurs, rides, taches de rousseurs, petite poitrine. Toutes donnaient le choix entre deux qualificatifs, l’un descriptif, l’autre plus flatteur.
La seconde phase de cette campagne marketing fut lancée quelques mois après. Dove choisit six modèles non professionnelles, appelées à poser en sous vêtements – six souriantes jeunes femmes qui sont indéniablement belles, mais qui sont également indéniablement plus rondes, pulpeuses ou même grosses que les tops aux allures hollywoodiennes auxquels le public est habitué. S’en est ensuivi un débâcle sans précédent, certains se réjouissant enfin de voir de ‘vraies’ femmes aux cuisses non liposucées, de pouvoir enfin admirer des photos non retouchées, d’autres mettant en doute les vraies motivations de Dove.

Explosion des ventes

Ce fut un véritable coup de maître de la part de la compagnie, qui a vu ses chiffres de vente augmenter vertigineusement en quelques semaines. En se posant comme compagnie soucieuse du bien-être intellectuel des femmes et profitant d’un ras le bol et mal-être général face à l’imposition croissante de standards de beauté impossibles à atteindre pour nombres de femmes, Dove a trouvé un créneau marketing qui rapporte, car touchant un point sensible : celui de l’auto représentation et de l’image que chaque femme voudrait donner d’elle même. Le discours officiel se veut rassurant, visant à consolider la confiance et l’estime de jeunes filles : sur le site de la campagne ‘initiative pour la vraie beauté’, on peut lire ces mots là :

‘La beauté est définie depuis trop longtemps par des stéréotypes étroits et oppressants. Les femmes nous ont dit qu'il était temps de tout changer. Dove est d'accord. Nous croyons que la vraie beauté réside dans toutes les formes, toutes les tailles et tous les âges. Voilà pourquoi Dove lance l'initiative de vraie beauté.’

A ceci s’ajoute une donnée statistique qui parle d’elle-même : moins de deux pourcent de femmes interrogées se qualifient comme ‘belles’. Il est assez difficile de contredire un tel discours, basé sur des évidences. Bien sûr, la notion de beauté telle qu’elle a été construite depuis les ‘golden years’ de l’avènement de séries B américaines a un effet destructeur sur le bien être des jeunes femmes. Bien sûr, un nombre impressionnant d’adolescentes veut ressembler à Kate Moss ou autre Paris Hilton. Nous réalisons toutes en tant que femmes que la beauté ne devrait pas être réduite à ses stéréotypes, mais malheureusement trop d’entre nous veulent pourtant s’y conformer. Et c’est là qu’est le génie marketing de Dove, qui joue le rôle de compagnie ‘alternative’, qui ose enfin parler de la représentation injuste des femmes dans publicité, se posant comme dissidente, une multinationale militante alliée des femmes qui offre confort et compassion. En d’autres termes, c’est l’équivalent publicitaire du ‘Beautiful’ de l’icône pop Christina Aguilera.

Des études sociologiques détournées

Seulement, il y a un hic. Dove a une équipe marketing de génie, mais cache extraordinairement bien ses motivations. La campagne vise tout d’abord non pas à rejoindre un mouvement post-féministe aidant les femmes à se sentir mieux dans leur peau, Dove veut vendre ses produits. Et ceux-ci sont entre autres sa ‘crème raffermissante intensive’ et autres produits anti-cellulite. Les femmes peuvent être grosses et belles, mais ne peuvent être belles si elles ont de la peau d’orange et autres ‘imperfections’.Elles peuvent être belles et ridées, mais devraient quand même maintenir ces rides à un stricte minimum en achetant des produits effaçant ses différentes zones à problèmes. La cellulite n’est malheureusement pour Dove pas liée à un problème de santé, ou d’obésité. Des femmes minces ont de la cellulite. Les jeunes, vieilles, maigres et grosses femmes peuvent avoir de la cellulite.

Il est certain que cette massive campagne de promotion a pu avoir des résultats positifs sur le moral des femmes. Le danger réside dans le fait que celles-ci finissent par considérer Dove comme un marque alliée à qui elles vont jurer fidélité, sans y voir le but premier d’Unilever : manipuler les opinions, les préjugés et concepts d’identités, cela afin de vendre des produits.
Cette manipulation va loin afin de se construire une crédibilité résistant à toutes épreuves : en consultant le site de Dove on peut lire que la marque américaine a acheté les services de deux sociologues (Le docteur Nancy Nancy Etcoff, professeur à Harvard ainsi que le docteur Susie Orbach, de la London School Of Economics, auteur de ‘Fat is a feminist issue’ [sic]). Ces chercheuses ont donc écrit un rapport intitulé ‘La vérité à propos de la beauté : un rapport global’ à l’attention de l’équipe marketing de Dove. Ce rapport est largement constitué d’enquêtes quantitatives auprès de centaines de femmes, et vise à comprendre la psyché de celles-ci, à cerner leurs craintes et leurs espoirs.

La conclusion de ce rapport est un exaspérant recueil de lieux communs : ‘La beauté en tant que concept ne peut jamais s’effacer’ . Il ne faut aborder ce sujet comme un problème culturel ou politique, mais doit être à l’inverse compris comme un plaisir humain basique’, ‘La culture pop et la représentation des femmes dans les médias est largement responsable du peu d’estime que les femmes semblent avoir d’elles mêmes’… Les équipes marketing de multinationales sont habituées à acheter les services de cabinets de recherche afin de cerner correctement leur public cible. Ces rapports à caractère scientifique sont un formidable tremplin pour ces publicitaires. La sociologie devient la subordonnée du monde de la vente, qui joue sur notre manque de confiance et points sensibles afin de nous faire acheter des produits.

Voici un message non marketing à l’adresse des femmes achetant des produits de ‘beauté’ Dove : le vrai challenge réside dans notre capacité en tant que femmes à s’accepter en tant que telles et de revendiquer notre beauté sans en être inspirées par des campagnes de publicité montées à l’aide de millions de dollars - qui nous sont jetés au visage comme une insulte à notre intelligence.

Monday, November 28, 2005

L'équipe/ Editors

Aurélie (association's president, editor, co-founder)
contact: oceine at voila dot fr



Lors de son année à l’étranger (2004-2005), Aurélie a eu la chance de suivre des cours, à Edimbourg (Ecosse) sur les théories féministes contemporaines. Elle s’est également investie au sein d’une association défendant les droits des femmes, et a pris part lors d’un stage à la campagne « Stop violence against Women » d’Amnesty International.
Aurélie est, sans doute, la plus qualifiée en ce qui concerne la dimension journalistique de ce projet puisque, outre sa formation en journalisme dans le cadre d’un séminaire de l’IEP Rennes, elle a assumé la fonction de directrice du journal « Les Pieds dans le Cloître » (journal de l’école) pendant deux ans, tout en y écrivant de nombreux articles. Son expérience s’est renforcée grâce à un stage effectué auprès du journal Le Courrier de l’Ouest. Elle a également participé à journal étudiant lors de son séjour écossais.
Elle assume la fonction de Présidente de l’association Volte-face, crée comme support organisationnel du magazine.

During a year abroad in Edinburgh, Aurelie followed classes on contemporary feminist theories. She has also volunteered in an association advocating for women's rights, and completed an internship at Amnesty International Scotland where she helped with the campaign 'Stop violence against women'. She might be the best qualified as far as the journalistic dimension is concerned: she's following a journalism seminar for her 4th year of studies in Rennes, and was the president of the University's newspaper. She also worked for the regional newspaper Les Courriers de L'Ouest, and wrote for the University of Edinburgh's newspaper.
She's currently the president of the Volte Face association, which has been created as an organisational support for the magazine.


Jessica (Association's vice president and blog supervisor, editor, cofounder)
contact: sijeka at gmail dot com



Jessica suit le même séminaire Journalisme qu’Aurélie, mais elle présente un profil sociologique plus marqué. Elle s’est investie depuis longtemps dans les thématiques féministes qu’elle a eu l’occasion de mettre en pratique lors de son stage auprès du Festival International de Danse de Vancouver, où elle a étudié les différents statuts sociaux que la danse attribue aux hommes et aux femmes.
Elle a été également journaliste pour Les Pieds dans le Cloître. Elle a complété cette expérience par l’écriture et la gestion d’un Blog Internet depuis plusieurs années. Elle est ainsi la plus qualifié en ce qui concerne la partie informatique de ce projet.
Elle assume la charge de Vice-présidente de l’association.

Jessica is currently following the same seminar as Aurelie, but is the sociology afficionada of the group. She has been invested in the studies of feminist thematics for years and completed extensive research work concerning gender equality in Art during her internship at the Vancouver International Dance Festival last year - she observed the different social and artistic status which are being given to men and women in the dance field.
She also was a journalist for her University's newspaper and has been blogging for as long as she can remember (err, almost), so naturally she will take care of Volte Face Magazine's blogging action. She is the association's Vice president.


Boris (Association's administration and accountant, editor, cofounder)
contact: boris84 at gmail dot com



Boris a, lors de son année à l’étranger, suivi à Montréal (Concordia University) de nombreux cours reliés au gender studies et plus précisément aux queer studies (étude et théories des minorités sexuelles) tels que ‘Sexualité & Religion’, ‘Identité, Politique et Société’, ‘Queer Theory’, etc. Il a ainsi pu accumuler un bagage théorique suffisant pour étudier et écrire sur les thématiques socio-sexuelles.
En ce qui concerne son expérience de l’écriture, outre ses travaux universitaires dans les matières précitées, il a lui aussi été journaliste pour Les Pieds dans le Cloître (avec un article sur la communauté gay de Rennes, justement).
Avec de nombreuses études dans le domaine du Droit (notamment administratif), il s’est vu confier la gestion administrative et financière de ce projet : il est Trésorier de l’association Volte-face.

Boris was abroad last year in Montreal, where he studied gender and queer issues at Concordia University. He's the lucky knownledgable person of all things Queer and is delighted when it comes to discuss rhetoric and sociosexual themes. He was a journalist for his University's newspaper, and also is the 'team lawyer', for he has been forced in the past year to undertake many law classes which bored him to tears, but hey, now it's useful to us. He's the admin and financial counsellor of the Association.

Monday, November 07, 2005

Volte Face: Qui? Who?

Qui sommes nous?

Volte-face a pour vocation d’être un magazine de vulgarisation théorique, issu du féminisme, des gender studies ainsi que des queer studies. Devant le peu d’intérêt que suscitent ces différents thèmes en France alors qu’ils sont l’objet de nombreuses études en Amérique du Nord et en Grande-Bretagne, nous nous sommes décidés à tenter de faire connaître davantage ces domaines qui visent à mieux cerner les structures socio-sexuelles qui entourent notre vie quotidienne et nous conditionnent dans nos rapport sociaux et/ou sexuels. Nous aspirons, via ce projet, à la déconstruction des stéréotypes de genre, des clichés dont peuvent être l’objet, dans l’imaginaire collectif, les femmes comme les minorités sexuelles.

Objectifs?

Le but majeur du magazine est de déconstruire, comme expliqué précédemment, les clichés et représentations stéréotypées pouvant être attachés aux femmes et aux minorités sexuelles.
Ce faisant, nous espérons promouvoir l’image de ces personnes. L’image qu’ils ont d’eux-même, et qui est loin d’être toujours positive. Mais aussi l’image que le reste de la population peut s’en faire. Loin d’être exclusif, ce magazine s’adresse à tous les Rennais, quels que soient leur genre et leur orientation sexuelle. En améliorant la compréhension mutuelle, nous souhaitons contribuer à un objectif de promotion de la cohésion sociale locale. Dans la mesure de nos moyens.